Nous savions que les américains se rapprochaient, et puis, nous diront conjointement, Simone, Cécile, et Louis, les allemands sont arrivés le dimanche 15 septembre 44, au soir, au Villerain, l'Etat Major s'est installé là.
"Il y est même venu un Général, nous n'avions plus qu'une chambre pour toute la famille, (mon père, ma mère, mon frère et ma soeur d'un mois et demi), ils sont restés jusqu'au jeudi 19, au matin. Ils ont bu tout notre lait, ils ont pris la montre de mon père !
Les américains visaient le Villerain, et nourissaient d'importants tirs depuis la Croix Jean Sauvé, mais les obus tombaient avant," dira Simone.
Moi, dira Cécile, "le lundi j'étais allée au Val d'Ajol, à l'enterrement d'un cousin germain, André Deschaseaux. Il souffrait d'épilepsie, il ne pouvait aller combattre comme ses frères, aussi, il avait choisi d'en finir avec la vie. Mon frère Léon était resté à la maison au cas où.. Pour descendre, cela s'est bien passé, mais à la sortie de l'enterrement, on n'entendait que cela "les américains arrivent !"
Alors je suis vite remontée. Arrivée à la Croix de Mission, il y avait des arbres en travers de la route, près du cimetière aussi, il m'a fallu passer dans les prés, devant le café du centre, les caves, à la chênaie du Pram'chié, c'était pareil.
Louis ajoutera "Ces américains sont arrivés par Hamanxard, Clairegoutte, Corfaing, (3 morts), ils avaient de gros chars, ils sont repartis, vers le Chat Noir (1 mort), le Breuil, et la Croisette d'Hérival, (encore plusieurs morts !).
Chez Arnould, venaient coucher chez nous, (Chez Remy), ils n'avaient pas de cave voutée, nous avions aussi les cousins de Rupt. Alfred André a du conduire les allemands, depuis le Breuil, sous la menace d'une mitraillette, au Moulin du Géhard (Ce Moulin ne fonctionnait plus depuis 1938).
La maison Couval, sur la route du Dropt, a été brûlée le mercredi, jour de la libération, suite à des balles incendiaires tirées depuis la direction de Corfaing, elles étaient destinées à des allemands qui se cachaient dans les champs des Passées.
Après ces trois journées très denses, Simone raconte qu'elle allait voir les Américians à la Vigotte, ils tiraient en direction de Vecoux, et de la vallée toute proche, pour une future libération. Les tirs ont duré plusieurs mois, on les entendait encore en octobre lorsqu'ils participaient à la libération d'autres vallées, Ramonchamp, le Thillot, la Bresse.
- Après la libération, les allemands, venaient à la maraude pour se nourrir, plusieurs vélos d'allemands en déroute, furent récupérés par les villageois.
- On avait une radio que l'on cachait dans une niche, derrière des torchons !
- Nous avions des cartes pour l'alimentation. elles ont duré plusieurs années après ce grand jour de septembre, en 1948, il y en avait encore, mais nous à la campagne, nous n'étions pas les plus malheureux, nous avions des poules lapins, oeufs, pomme de terre, un peu de grain pour faire de la farine.
- On conduisait discrètement 20 à 30 kilos de grain au Moulin de Courupt, et on remontait avec quelques kilos de farine. Léon, le frère de Cécile avait fait un concasseur, un aplatisseur de grains, mais la farine était de petite qualité, il y avait quelques cailloux...
On semait du sarazin pour avoir de la farine pour faire des kneffs, et puis des beignets.
- Les pommes de terre rapportaient beaucoup plus que maintenant, on en mettait plein sur le grenier, à la cave... Pour les transporter du champ, on avait un gros brô, avec des réhausses, et des barrières aux extrémités.
- On était imposé en fonction des hectares. - On devait en descendre à la gare au Val d'Ajol.
- On avait droit à un quota de cochon, une commission française venait vérifier la véracité des déclarations, et visitait les maisons.
- Les gens de Faymont, et du Val d'Ajol venaient au ravitaillement, ils cultivaient même des champs. Le marché noir a duré très longtemps.
Voilà des propos rapportés par trois girmontois, soixante années après...une tranche de vie qui ne s'oublie pas. Il faut savoir que les derniers prisonniers n'ont fait leur retour que pratiquement, un an après ce grand jour, il s'agit de André Aubel, frère de Louise, et d'Honoré Grandemange, des Vargottes.

simone
Simone avait 13 ans

louis
Louis avait 20 ans

Cecile
Cécile, est née en 1918, là où elle habite encore aujourd'hui, elle n'a jamais quitté sa maison natale. Roger Manens, son copain de l'époque, a fait deux ans en tant que soldat, de 1937 à 1939. Au moment d'être libéré, la guerre est arrivée, il est alors fait prisonnier, il ira en Prusse Orientale, et n'en reviendra que le 26 mai 1945...sept années de sa jeunesse....Il s'est marié en octobre 1945. C'est en échange d'un morceau de lard, qu'il a eu du tissu pour se faire faire un complet !

Je conseille à ceux qui ont des archives, de faire un recoupement avec ce que j'avais écrit, dans la presse locale, il y a dix ans, cela leur fera une excellente documentation, sur ce jour de la libération, vécu au Girmont !