Difficile de parler de ce 11 novembre 2016, où à travers le parcours de Roger Manens, (notre père à Danièle, Jean Marie et moi-même), il a été rendu hommage aux 1 850 000 soldats faits prisonniers pendant la 2ème guerre mondiale, dont 30 à 40 000 ne reviendront pas.

Après la lecture de la lettre du ministre, en présence des deux frères musiciens Claude et Jean Pierre Vinel, et d'une imposante foule, Pierre Vincent a retracé le parcours de Roger Manens.

A 20 ans, incorporation le 2 septembre 1937 au 37ème Régiment d'Infanterie à Bitche en Moselle, le 2 septembre 1939, mobilisation générale pour 4 734 250 français.

Le 8 septembre 1939, incorporation au 37ème RIF unité spécialisée dans la défense des fortifications de la ligne Maginot.

Le 13 juin 1940, ordre est donné de quitter la ligne Maginot, où au fil de leur fuite vers le sud, après 3 jours et 3 nuits interminables, ils livreront une dernière bataille au nom de l'armée française, mais personne n'en parlera.

Véritable cauchemar pour ces soldats du 37ème, qui faute de munitions, feront du corps à corps, et malgré la mort de leurs officiers continueront à se battre vaillamment.

Le 22 juin après la reddition, l'armée française vaincue détruit ou sabote son matériel, libère les chevaux, et le 27 juin, Roger Manens sera fait prisonnier dans le secteur du Donon.

La colonne rejoint le camp de transit Matford Mathis à Strasbourg.

Quelques jours plus tard, tous ces prisonniers partent en train, pour l'Allemagne..., mais où ? 2 jours, 2 nuits de voyage avec comme nourriture (pour 40 prisonniers) un seau de marmelade (saccharine avec betteraves rouges) et une boule de pain pour 10. Quarante prisonniers enfermés, debout, sans rien à boire, pendant 2 jours, dans un wagon sans commodité, quelle humiliation et quelle déchéance !

Le 28 juillet 1940 arrivée à la gare d'Hohenstein Prusse Orientale 1600 km du Girmont, encore 3 km à faire à pied pour rejoindre le stalag 1B.

Papa y effectuera plusieurs travaux divers : travaux routiers, une ferme, puis fromagerie.

Le 27 juin 1942 suite à l'arrivée massive de prisonniers russes, Roger Manens sera transféré au stalag 1A de Stablack, où il partagera son temps à l'entretien des locomotives, travail à la ferme et laiterie.

Alors que cela fait 6 mois que Roger Manens n'a plus de nouvelles des siens, le 25 janvier 1945 le Stalag 1 A reçoit l'ordre d'évacuer tous les prisonniers.

C'est alors une véritable épopée sans nom, dans des conditions extrêmes, que chacun va livrer, pour tenter de s'enfuir en direction du pays quitté il y a 7 ans, en affrontant le froid (parfois -30°) la glace, la neige, la faim (rien à manger, ni à boire), l'hébergement (où coucher) les vêtements...

Ce n'est que le 26 mai 1945, que Papa retrouvera les siens....

Voilà un parcours commun à bien des prisonniers, et à travers celui-ci, nous avons tous eu une pensée pour ces oubliés, contraints à garder toutes les atrocités vécues au fond d'eux mêmes, dans ce monde retrouvé après une si longue absence, mais qui ne correspondait plus à celui qu'ils avaient quitté, et où il leur a fallu réapprendre à vivre.

Simone (moi-même) a mis l'accent sur la longue séparation en elle même, et la très difficile réintégration dans un monde si différent de celui que ces prisonniers avaient quitté. Comme il était très difficile, pour ces derniers de sortir tout ce qui était au fond de leurs coeur et de leur mémoire, et comprenant que leur douloureuse histoire ne trouvait pas une écoute attentive chez ceux qui étaient restés au pays, beaucoup se sont murés dans un profond silence.

Après ces mots plus qu'émouvants, le maire a fait l'appel de tous les morts pour la France de notre village. Le dépôt de gerbe par les deux dernières petites filles de Roger Manens, la minute de silence et la Marseillaise entonnée par la foule, ont conclu la cérémonie en extérieur. Tous sont allés ensuite en mairie afin de voir l'exposition préparée par Pierre Vincent et Martial Fleurot, avec des documents fournis par les familles Manens/Mathiot.

Pour terminer, je reprendrai encore la maxime de Papa :

Quand la neige tombera noire et que les corbeaux voleront blancs, les mémoires de régiments s’effaceront !