Nous n’avions aucune reconnaissance, aucune gratitude, aucun respect, juste des droits et des envies à satisfaire, tout vite, tout de suite ! Tout nous semblait évident, coulait de source. Nous étions impatients, pressés, irrités, gâtés.

Et Corona est arrivé ... Et nos vies ont changé...

Voilà que nos vies sont bouleversées. Voilà que tout est remis en cause. Voilà que nous n’avons plus le contrôle. Voilà que le virus nous contraint à nous reconnecter à nous même, en face à face. Voilà que la notion de temps change, qu’il va falloir être patient, que la durée devient une inconnue, que la course s’arrête ...




Voilà que la relation à l’autre change. Que les réseaux sociaux montrent leurs limites, irritent, agacent, affolent - il va falloir éviter l’autre, peut être même être isolé.

On commence à réaliser que la relation sociale, la vraie, compte. Que la toile n’est qu’une illusion et ne remplacera jamais l’autre, l’ami, le voisin... le boulanger...



Voilà que l’on éteint la télé, car elle nous étouffe, nous enchaîne, nous effraie, nous abrutit , nous affole.



Toutes ces nouvelles en boucle, avec ces images effrayantes, ces paroles sans contenu, ces pseudo journalistes, ces pseudo spécialistes, ces pseudo chiffres, ces pseudo informations et au bout du compte, les gens sont perdus, mal informés , inquiets...




Voilà que nous redécouvrons les livres, Camus, la réflexion, l’esprit critique... Voilà que l’on ne peut plus voyager, qu’il va falloir rester dans son quartier, sa rue, se soutenir, s’entraider...




Voilà que l’on ne se plaint plus pour une goutte au nez, que l’on retrouve le respect du médecin, du pharmacien, de l’urgentiste. Voilà que l’on n’envahit plus les cabinets médicaux, les urgences hospitalières pour un rien... voilà que nos maux retrouvent leur véritable proportion et que nous réapprenons à ne pas nous plaindre ou nous arrêter pour un « pas grand chose »...

Voilà que nous apprécions autrement notre système de santé, notre libre accès aux soins, l’Assistance publique, la dévotion du personnel soignant...



Voilà que nous changeons notre rapport à la nourriture. Que la peur du manque fait son apparition dans nos vies saturées de nourritures abondantes et disponibles.

Voilà que nous délaissons les hypermarchés pour le commerçant d’en bas; et que notre peur de la faim et du manque change notre appréciation d’un simple paquet de pâtes ...

Voilà que les commerces se vident, que les loisirs se raréfient, que les sorties s’arrêtent. Voilà que nous réalisons la chance que nous avons de vivre dans un monde libre où tout est possible; où l’accès à la culture est une chance, où les loisirs, les voyages, les déplacements sont monnaie-courante...



Voilà que nous réalisons que notre système de production est trop délocalisé, voilà que nous réalisons que des pans entiers de notre économie dépendent de l’Asie. Voilà que nous envisageons de ré-ouvrir des usines, de réintroduire de l’humain dans la production industrielle...



Voilà que dans un monde qui bouge, qui voyage, nous comprenons que nous sommes interdépendants du reste du monde, que nos destins sont liés, que l’homme ne doit pas être un loup pour l’homme...

Voilà que nous avons peur pour nos parents, grands parents, que nous réalisons à quel point ils comptent dans nos vies, à quel point ils sont négligés, délaissés, déconsidérés en temps normal ...




Voilà que le respect du monde animal est réévalué. La consommation intempestive d’animaux non comestibles. L’irrespect des lois de la nature, du don du vivant...

Voilà que les enfants ne vont plus à l’école, que certains ne vont plus au bureau, que des entreprises déposent le bilan, que des emplois sont menacés. Voilà que le quotidien qui nous fatigue, nous « saoûle », nous irrite, nous barbe ... voilà qu’il prend une toute autre dimension...

Voilà qu’à la lumière d’un infiniment petit virus, nous commençons à apprécier les infinis petits riens de la vie, qui pourtant font son Tout...



Espérons que nous réussissions à vaincre ce virus dans le civisme et la solidarité et que les « bénéfices » de cette lourde menace restent longtemps gravés dans nos cœurs et dans nos têtes ...




Anonyme au chapeau rond