Propos recueillis en 2004 auprès de Cécile Manens et de Simone et Louis Remy du Girmont

Nous savions que les américains se rapprochaient, et puis, nous diront conjointement, Simone André épouse de Louis Remy, Cécile André épouse de Roger Manens, et Louis Remy, les allemands sont arrivés un dimanche soir au Villerain, l'Etat Major s'est installé là. "Il y est même venu un Général, nous n'avions plus qu'une chambre pour toute la famille, ils sont restés jusqu'au jeudi matin. Les américains visaient le Villerain, et nourissaient d'importants tirs depuis la Croix Jean Sauvé, mais les obus tombaient avant," dira Simone Remy.

Moi, dira Cécile Manens "le lundi j'étais allée au Val d'Ajol, à l'enterrement d'un cousin germain, André Deschaseaux. Il souffrait d'épilepsie, il ne pouvait aller combattre comme ses frères, aussi, il avait choisi d'en finir avec la vie. Mon frère Léon André (Père de Bernard Michel, Louis, Milou, Léonce, etc.) était resté à la maison au cas où.. Pour descendre, cela s'est bien passé, mais à la sortie de l'enterrement, on n'entendait que cela "les américains arrivent !" Alors je suis vite remontée. Arrivée à la Croix de Mission, il y avait des arbres en travers de la route, près du cimetière aussi, il m'a fallu passer dans les prés, devant le café du centre, les caves, à la chênaie du Pram'chié, c'était pareil. Louis ajoutera "Ces américains sont arrivés par Hamanxard, Clairegoutte, Corfaing, (3 morts), ils avaient de gros chars, ils sont repartis, vers le Chat Noir (1 mort), le Breuil, et la Croisette d'Hérival, (encore plusieurs morts !).

Louis Remy : Chez Arnould,(Picard) venaient coucher chez nous (Remy), ils n'avaient pas de cave voutée, nous avions aussi les cousins Remy de Rupt. Alfred André (père de Mamathe) a du conduire les allemands, depuis le Breuil, sous la menace d'une mitraillette, au Moulin du Géhard (Ce Moulin ne fonctionnait plus depuis 1938). La maison Couval, sur la route du Dropt a été brûlée le mercredi, jour de la libération, suite à des balles incendiaires tirées depuis la direction de Corfaing, elles étaient destinées à des allemands qui se cachaient dans les champs des Passées. Après ces trois journées très denses, Simone Remy, née André raconte qu'elle allait voir les Américians à la Vigotte, ils tiraient en direction de Vecoux, et de la vallée toute proche, pour une future libération. Les tirs ont duré plusieurs mois, on les entendaient encore en octobre lorsqu'ils participaient à la libération d'autres vallées, Ramonchamp, le Thillot, la Bresse.

- Après la libération, les allemands, venaient à la maraude pour se nourrir, plusieurs vélos d'allemands en déroute, furent récupérés par les villageois.

- On avait une radio que l'on cachait dans une niche, derrière des torchons !

- Nous avions des cartes pour l'alimentation. elles ont duré plusieurs années après ce grand jour de septembre, en 1948, il y en avait encore, mais nous à la campagne, nous n'étions pas les plus malheureux, nous avions des poules lapins, oeufs, pomme de terre, un peu de grain pour faire de la farine.

- On conduisait discrètement 20 à 30 kilos de farine au Moulin de Courupt, et on remontait avec quelques kilos de farine. Léon, le frère de Cécile avait fait un concasseur, un aplatisseur de grains, mais la farine était de petite qualité, il y avait quelques cailloux...

- Les pommes de terre rapportaient beaucoup plus que maintenant, on en mettait plein sur le grenier, à la cave... Pour les transporter du champ, on avait un gros brô, avec des réhausses, et des barrières aux extrémités. On était imposé en fonction des hectares. On devait en descendre à la gare au Val d'Ajol. On avait droit à un côta de cochon, une commission française venait vérifier la véracité des déclarations, visitait les maisons. Les gens de Faymont, et du Val d'Ajol venaient au ravitaillement, ils cultivaient même des champs. Le marché noir a duré très longtemps.

Voilà des propos rapportés par trois girmontois, soixante années après...une tranche de vie qui ne s'oublie pas.

Il faut savoir que les derniers prisonniers n'ont fait leur retour que pratiquement, un an après ce grand jour, il s'agit de André Aubel, frère de Louise (épouse André Balandier, maman de Doudou Régine, Claude et Marie France), et d'Honoré Grandemange,(marié à Marie Faivre de la Vigotte) des Vargottes.

Simone Manens.